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Docteur
Véronique Minard

Pédiatre & Oncologue
Institut Gustave Roussy, 94

Docteur, pourquoi avez-vous choisi d’être Médecin, Pédiatre ? et Oncologue ? 

 

Je suis Pédiatre et Cancérologue. J’ai deux formations : pédiatrie classique avec quatre années de spécialisation et une année de spécialisation en Oncologie. J’ai choisi d’être Pédiatre Cancérologue. Dès mes premières années de lycée, je voulais faire médecine pour être Pédiatre Oncologue. Ce qui résonne le plus chez moi est la notion d’injustice, la non-acceptation de la maladie chez les plus jeunes enfants. La notion de faire tout ce qui est en notre pouvoir à titre personnel et en équipe pour les aider, les soigner et les guérir

Que ressentez-vous intérieurement lorsque vous annoncez un diagnostic compliqué ?

 

Ce n’est jamais un moment facile. Les infirmières et le personnel soignant nous ont fait remarquer que nous le faisions toujours très tard et c’est un tort. Souvent quand on a un enfant ou un adolescent qui arrive dans la journée, nous sommes dans une période de diagnostic, en quelques heures, nous saurons vers quoi nous orienter et souvent, on retarde l’entretien Le personnel soignant de nuit nous a dit que c’était un tort car le début de la nuit est un moment anxiogène, pendant lequel l’enfant se retrouve souvent tout seul. Il faut donc le faire le plus tôt possible, dans la journée, pour que le jeune soit encadré le mieux possible. C’est une sorte d’acte manqué des médecins, de repousser le plus tard possible, car l’annonce est un moment très difficile. Aucun médecin ne pourra jamais dire que c’est simple.

 

Comment vous y prenez-vous ?

 

A titre personnel, j’ai toujours tendance à repousser cet entretien. Je le fais toujours dans des conditions de calme, dans des conditions d’intimité, des conditions qui soient le plus agréables possibles même si le moment est dur. Le principe serait d’être dans une chambre seule, d’être assis, d’être le plus proche possible de la personne à qui j’annonce. La particularité de la cancérologie de l’enfant et de l’adolescent est que je m’adresse autant à des bébés qu’à des des adolescents ou des adultes jeunes de vingt-cinq ans. Avec un spectre de psychologie et de maturité très différent. Le point est de toujours m’adresser au patient. Même s’il s’agit d’un tout petit bébé. Expliquer la situation avec des mots adaptés, s’adresser à l’enfant car il est le premier concerné. Par exemple, j’ai annoncé des choses très difficiles à une jeune Camille de 17 ans

la semaine dernière. C’est à elle que je me suis adressée et elle seule. Ensuite, à la fin je me suis excusée auprès de ses parents mais c’est l’enfant la première concernée et c’est à ses questions que je souhaitais répondre en premier. Répondre simplement à trois questions :

  • Pourquoi ?

  • Comment on va soigner ? Quel traitement va-t-on donner ?

  • Est-ce que je vais guérir ?

 

On structure l’entretien en répondant à ces trois questions et on nomme la maladie. Pendant très longtemps, on n’a pas nommé les maladies mais c’était une erreur. Dire "Tu as un

rhabdomyosarcome, sarcome signifie "cancer", rhabdo signifie "des muscles", expliquer que c’est un cancer spécifique à l’enfant, qui n’a rien à voir avec celui de son grand-père. Car très souvent, dans une famille, il y a une histoire de cancer. Nommer les espoirs que l’on a, avec le plus de justesse possible, sans donner trop de chiffres, pas par refus de la vérité, seulement car lors de

ma première expérience, j’ai annoncé une possibilité de guérison à 100% et la personne à qui j'ai annoncé ce 100% a rechuté. Entretemps, elle est guérie elle a 35 ans, mais depuis je suis hantée par ce 100% erroné. Désormais, je sais que ce qui compte c’est l’individu, rien d’autre.

 

Quels conseils donnez-vous aux parents qui apprennent la maladie de leur enfant ?

 

C’est un traumatisme, un vrai choc, un tsunami, un bouleversement qui va éclater une vie, éclater une vie de famille et possiblement éclater une vie de couple. Accepter, même si c’est inacceptable, ce traumatisme comme il est. Accepter ce traumatisme pour pouvoir demander de l’aide et se laisser aider.

 

Je dis aux parents « vous allez vivre une période de sidération », c’est une protection psychique que l’on connaît bien. Le cerveau se met au repos et pendant quelques jours, on ne sait plus très bien où l’on est. « Nous sommes présents pour prendre en charge votre enfant, mais de votre côté vous allez vivre quelques jours terriblement difficiles. ». Au bout de ces quelques jours,

on se reverra pour parler de la maladie. Pendant la période de traitement, vous aurez besoin d’aide et de soutien. N’hésitez pas à le demander, nous sommes là aussi pour cela. Les psychologues de l’hôpital sont là. Surtout, demandez de l’aide à votre entourage familial également. Ce point là est essentiel et nous prenons le temps de l’évaluer : avons-nous affaire à des parents isolés, étrangers dont la famille est au pays ? Et donc plus facilement seuls ? Nous recommandons vivement aux familles de s’entourer le plus possible, savoir demander de l’aide. Et aussi, d’accepter l’aide psychologique proposée par l’hôpital. On a besoin de soutien psychologique quand on affronte la maladie et face à un tel drame il est essentiel de se faire aider. Le patient comme la famille et les accompagnants.

 

Le second conseil est simple mais c’est de VIVRE AU MIEUX. Je conseille vivement aux parents de vivre le plus simplement possible. Souvent les enfants me demandent s’ils ont le droit de faire ceci ou cela. La semaine dernière par exemple un jeune garçon me demandait s’il pouvait jouer au foot. Ses parents avaient tout fait pour qu’il n’en fasse pas alors que je n’avais rien précisé de cet ordre là. Devant les parents, j’ai dit à l’enfant, « bien sûr, tu peux faire du foot ». Autrement dit, même si la maladie va imposer des contraintes, qui sont malheureusement non négociables, il faut tenter de maintenir tout ce qui est la vraie vie d’un enfant et d’un adolescent. Quand il s’agit d’un tout petit bébé, c’est simple, il n'a besoin que de ses parents. Un plus grand enfant, ce sont ses copains. Un adolescent, un jeune adulte, seule sa vie sociale compte : les copains, la tribu, sa communauté sont la clé de son équilibre.

 

En termes de médecines douces et de soins holistiques, en pratiquez-vous dans l’hôpital ?

 

C’est moins mon domaine de compétence, mais nous n’avons aucune opposition systématique vis-à-vis des médecines douces ou des thérapies comportementales ou encore des thérapeutiques alternatives. Dans le département, des infirmières et d'autres personnels soignants ont été formés à la sophrologie. Nous avons pu constater les bénéfices apportés par ces soins de sophrologie. Nous sommes en train de développer tout ce qui est en lien avec l’hypnose ou la distraction pour les soins des touts petits face à des actes douloureux ou des imageries complexes au cours desquels l’enfant ne doit pas bouger. Nous testons l'hypnose pour atténuer les douleurs consécutives à la chimiothérapie. Le service de la douleur de Gustave Roussy a l’expérience de nombreuses techniques dont l’auriculothérapie que l’on peut considérer comme une médecine douce. J’ai en tête l’exemple d’un patient qui avait une fibromatose difficilement traitable, qui souffrait de douleurs et pour lequel je ne voyais pas d’indication à donner plus de chimiothérapie. La première séance d’auriculothérapie a été

une révolution pour lui, il ne souffrait de plus rien. C’est bien l’hôpital qui gérait ces soins, car le service de la douleur de Gustave Roussy s’est formé à l’auriculothérapie, comme à la sophrologie et l’hypnose.

 

Recommandez-vous les médecines complémentaires aux parents et aux malades ?

​La médecine est allée au maximum de ce que l’on pouvait connaître en termes de médicaments classiques donc, développer une thérapeutique parallèle est quelque chose de potentiellement intéressant. Je n’ai aucune opposition aux médecines douces, sur l’aspect médicamenteux, phytothérapie, je n’ai pas d’opposition non plus, même si on ne sait pas très bien comment ça marche. Il faut être honnête, la littérature scientifique est encore très limitée. Le seul point que

je me dois de préciser est le danger des interactions potentielles de ces thérapeutiques avec

la chimiothérapie, notamment. J’ai l’expérience d’un adolescent qui a pris des herbes des Antilles qui ont eu une interaction massive avec la chimiothérapie qui a révélé une toxicité hépatique gravissime. Donc pas de contre-indications, mais informez toujours votre oncologue de ce que vous consommez.

 

Le dernier point qui est important, c’est le coût. On dit classiquement que l’on peut trouver des charlatans sur internet et c’est vrai. Je sais que ces médecines douces ont un coût pour les familles et pour les patients. C’est une problématique liée au fait qu’il s’agit d’une thérapie qui n’est pas forcément éprouvée et qui coûte très chère pour les familles. Donc le faire au maximum dans un cadre hospitalier ou sinon dans un cadre qui soit contrôlé car j’ai l’expérience de charlatans qui sont venus dans l’hôpital faire payer des parents des sommes proches de 20.000 €.

20.000 Euros ?

 

Oui, j’invite donc à beaucoup de vigilance par rapport au coût qui est demandé car il est signe de charlatanisme. J’insiste car je vois cela toutes les semaines. Des patients qui croient avoir trouvé des soins miraculeux, hyper chers qui sont vendus sur internet.

Docteur Alain de Waele
Oncologue & O.R.L
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