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Thérèse
Psiuk

 Directrice des Soins
en retraite

Mon crédo : « Je décide de vivre jusque 100 ans ; Après 100 ans, on verra. »

 

Thérèse qui êtes-vous, que faites-vous ?

 

Je suis une directrice de soins à la retraite, c'est le dernier statut d’une carrière qui a débuté comme infirmière. J’ai ensuite été directrice d’un institut de formation en soins infirmiers.

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Je suis en activité, expert à l’ANAP. L'ANAP est l'Agence Nationale pour l’Appui à la Performance, en lien direct avec le ministère de la santé et la haute autorité de santé. En tant qu’expert, je développe l’informatisation des chemins cliniques.

 

Qu’est-ce qu’un chemin clinique ?

 

Le chemin clinique est un parcours anticipé de soins par l'équipe pluri-professionnelle pour un groupe homogène de patients (GHP). L'outil permet de formaliser les connaissances pertinentes, qui aident à un raisonnement clinique partagé. Le chemin clinique est l’antithèse du cloisonnement, il favorise la connaissance du dossier médical du patient par tous les intervenants qui s'occupent du patient : médecins, infirmiers, aide-soignants... On pourrait d'ailleurs y introduire les soins de supports. Avec l’expérience, j’ai développé une méthode de construction des chemins cliniques, à partir d’une recherche de théorie ancrée, qui signifie suivre les équipes sur le terrain et analyser les dossiers, la pratique, écouter la synthèse

pluri-disciplinaire…

 

Qu’est-ce qui te guide au quotidien pour faire tout cela ?

 

J’ai un souci permanent concernant la qualité de prise en charge des patients par les équipes pluridisciplinaires : médicales, para médicales, sociales… Je ne supporte plus le cloisonnement, les redondances, les pertes de temps qui induisent des pertes de chances pour les patients. Je ne supporte plus non plus l’hétérogénéité des connaissances. Si un patient a de la chance, il va tomber sur une personne qui aura des connaissances pertinentes. Si la personne à moins de connaissances alors, le patient aura moins de chance. Pour être efficace et pertinent, il faut un référentiel.

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Parle-moi de la méthode que tu as mise en place ?

 

EN 1998, j’ai fait émerger le modèle trifocal, un modèle clinique quand j’ai créé CESIFORM avec mon mari. Je faisais alors de la formation aux infirmières dans toute la France.

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Le modèle TRIFOCAL repose sur 3 points clés de l'accompagnement :

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1 - Les signes et symptômes de la pathologie,

2 - Les risques liés à la pathologie et aux effets secondaires des traitements,

3 - Les réactions physiques et psychologiques du patient, ses sentiments et ses capacités.

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Ce qui est important dans le modèle TRIFOCAL, c’est de comprendre que si l'on ne s’occupe pas de l’émotion du patient, alors il peut y avoir une exacerbation de la pathologie et des risques de complications… La bonne nouvelle, c’est que maintenant tout le monde en parle. Si l'on tient compte de tous ces facteurs, on crée des facteurs de protection autour du malade. L’idée est que le personnel médical allie connaissances médicales et connaissances humaines. L'important est que nous, personnel médical, anticipions les ressentis présents et futurs du malade tout en étant à l’écoute de son vécu qui peut être différent de ce que l’on a anticipé. Par exemple, une femme qui est opérée d’un cancer du sein, on peut aisément anticiper le fait qu’elle ressente un problème d’image. Dans le contexte actuel, nous n'arrivons pas à réussir à mettre le modèle en place systématiquement car chaque intervenant a son propre outil. L’idée est de développer un outil qui soit ouvert pour tous les intervenants : médecins, chirurgiens, infirmiers et aide soignant. Le chemin clinique est développé depuis des années au Canada et le soignant peut passer jusqu’à 45 minutes avec le malade. En France, nous sommes en retard pour prendre le patient en charge De façon globale. Alors, je me bagarre pour que ces chemins cliniques soient informatisés et je sais que l'on va y arriver.

 

Pourquoi te lèves-tu le matin ?

 

Pour ressentir beaucoup d’émotions positives. Ainsi, quand je donne une conférence, je ressens de la fierté, je ressens les personnes bienveillantes devant moi et je suis remerciée. La dernière fois, j’ai présenté les chemins cliniques à la CME (commission médicale d’établissement), à Lille devant 50 médecins... les médecins commencent à s'intéresser au sujet.

 

Quand j’ai démarré chez les grands brulés, la plus ancienne infirmière m’avait accueillie avec un carnet dans lequel elle avait rédigé tous les types de brûlures et ce que je devais faire pour chacune. Dans ce carnet, étaient rédigés les chemins cliniques. La connaissance était écrite et pertinente pour la prise en charge du patient.

 

Aujourd’hui, tu accompagnes ton mari qui est malade d’un cancer ? Comment le vis-tu ?

 

Je le vis globalement bien, il y a des moments où je réfléchis et j’anticipe, je lis les recherches en lien avec sa maladie. J’avais besoin d’aller sur internet pour être équilibrée. Je suis partagée entre soutien et autonomie. Il sait que je suis là mais je l’encourage à faire les choses tout seul. Je suis capable de lire des travaux de recherche sur son cancer et en même temps, avec lui, je me centre sur le présent, ici et maintenant. Je fais l’inventaire de tout ce qui est positif. Et on a développé une petite tradition avec nos enfants : quand il passe son scanner, en sortant, on envoie un message aux enfants et on parie avec Léon lequel répondra en premier. Et après, on n’en parle plus du tout. Les trois enfants vivent le quotidien et on ne parle plus de la maladie pendant 3 mois jusqu’au scanner suivant.

 

Je trouve fantastique la relation qu’entretient mon mari avec son oncologue. Les rendez-vous se passent de la façon suivante : « Alors Monsieur Psiuk, racontez-moi comment ça se passe depuis la dernière fois ? » Il prend le temps d’écouter son patient, de relever chaque mot, et de rebondir.

 

Cet oncologue est à l’écoute de son patient avant même de consulter son dossier. Il a développé un vrai partenariat. Et il réussit parfaitement l’alternance de la position haute du sachant et la position basse de l’humain. Il considère que Léon sait bien ce dont il a besoin pour lui-même.

 

Quels conseils donnerais-tu à un médecin ?

 

Je l'inviterais à questionner son patient et de partir des mots prononcés par le patient. S'il est à l’écoute du patient, il peut voir s’il veut savoir ou pas. Le patient pose les questions auxquelles il veut des réponses. Faire attention aux mots prononcés par le patient pour adapter le discours approprié. Je crois qu’il faut dire les choses avec des mots simples et d’identifier le copping (la psychologie de la santé) du patient, connaître les mécanismes de défense des patients, leurs stratégies.

 

Quelles sont les conseils que tu donnerais à un malade ?

 

Lui demander comment il se sent avec les soignants qui s’occupent de lui : médecins, infirmiers… Est-ce qu’il se sent bien ? Vivre le présent le mieux possible et se concentrer sur le présent. Pointer ce que l’on vient de vivre et qui est superbe.

 

Est-ce qu’il y a quelque chose que tu voudrais ajouter ?

 

Oui, je milite pour que les soignants ne s’intéressent pas qu’au médical mais qu’ils comprennent le lien entre le médical et les sciences humaines. Cela ne veut pas dire que les soignants ne peuvent pas tout faire et on a besoin d’aide des gens comme toi qui milites pour les soins de support, le coaching santé qui coordonne le parcours de vie et le parcours de soins. Toi avec l'association La Vie Kintsugi, vous êtes les accompagnateurs de cela.

Florence Hamon
Professeur en école d'infirmière & ancienne infirmière en soins palliatifs
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