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Siham
Agnir

29 ans
Infirmière en soins palliatifs (92)

Pourquoi es-tu devenue infirmière ?

 

Avec mes origines, ma culture familiale, on a toujours vécu dans le partage, dans la solidarité, on s’est toujours souciés des autres. Et pour moi, ça a toujours été une évidence de travailler dans un milieu dans lequel je pouvais apporter de l’aide et soutenir des personnes qui sont dans le besoin.

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Tu es infirmière en soins palliatifs, est-ce toi qui a choisi ?

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Oui j’ai choisi les soins palliatifs car la mort est l’étape la plus redoutable pour un patient. Je me suis rendu compte qu’en soins palliatifs on ne fait pas que soigner, mais, on accompagne jusqu’à la fin. Dans les autres services j’étais dans le curatif, la dimension humaine était moins forte et la charge de travail et le manque de temps faisaient que j’avais le sentiment d’être impuissante face aux malades. Alors qu’en soins palliatifs, la charge de travail est considérable, mais on a le droit de prendre le temps d’être dans l’humain et de prendre soin de la personne, comme je l’avais imaginé avant de choisir de faire ce métier là.

 

Tu aimes être utile, ça se traduit comment dans ton quotidien ?

 

On m’a toujours mise en garde sur les répercussions difficiles que les soins palliatifs pouvaient avoir dans ma vie perso. Mais au contraire, ça m’apporte chaque jour énormément. J’ai compris depuis qu’il y avait toujours des choses plus graves que les problèmes que je pouvais rencontrer jusque-là. J’apprends à relativiser, à rester positive, à profiter de chaque moment, à chaque instant. Même si je vois la fin de vie au quotidien, je partage de superbes moments avec les malades et les familles. Je repense notamment à un homme veuf qui allait partir et qui voulait absolument voir sa fille une dernière fois. Sa fille revenait du Canada, elle a mis plus de 24 heures à venir, elle a fini par arriver et dès lors qu’elle est arrivée, il est parti. C’est là que j’ai compris que même si la mort est très proche, on peut choisir le moment de partir. On peut toujours choisir de partir en paix.

 

Mais cela peut aussi être difficile si la famille refuse la fin, ou au contraire souhaite accélérer la fin de la personne malade, sans lui laisser la liberté de partir comme il l’aurait désiré. Mes expériences les plus difficiles sont lorsque tout va à l’encontre d’un processus qui pourrait se passer le plus naturellement possible.

 

Tu vis des moments très forts, tu as les larmes aux yeux en me racontant deux histoires de fin de vie, comment est-ce que tu compenses à l’hôpital et dans ta vie personnelle ?

 

À l’hôpital, il y a une très bonne ambiance, pendant les pauses on reste dans le service et on parle beaucoup. L’équipe est très solidaire. C’est paradoxal, les gens croient que l'on côtoie plus la mort que la vie, alors qu’un service de soins palliatifs est très vivant. Il n’y a pas plus vivant qu’un patient face à sa mort. Car c’est face à la mort que la vie a un sens et les patients l’expriment.

 

Dans ma vie personnelle, j’ai une famille extraordinaire, et je pars en voyage au bout du monde très régulièrement. Je profite de ce que nous offre la vie, j'oublie les malades et la mort quelques semaines. Je pars seule en sac à dos, je vais dans les auberges, j’essaie de vivre au plus près des locaux. Je prends un billet d’avion, je pars, je ne réfléchis pas, je n’organise pas, je pars à l'aventure... C’est mon équilibre, j’ai besoin des deux.

 

On m’a toujours dit, si tu fais quelque chose que tu aimes, tu n’as pas le sentiment de travailler.

 

Est-ce qu’il y a un conseil que tu aimerais donner aux personnes malades ou aux accompagnants ?

 

J’en ai plein, ça se bouscule dans mon esprit. Contrairement à d’autres services de l’hôpital, les soins palliatifs placent toutes les personnes qui y entrent face à la mort. "Soins palliatifs" résonne avec une finalité, avec une échéance, c’est là où tout commence pour le malade et la famille. On parle d’une fin, mais de quelle fin parle-t-on ? D’une fin définitive ? D’un passage ? D’une étape ?

 

Quand on a plus d’espoir, plus de force, que l’on se sent impuissant, on peut être vrai et vivre le moment le plus redouté. Les personnes qui accompagnent leurs proches vivent mieux le départ, sans culpabilité et plus sereinement.

 

Familles, amis, soyez-là ! Je vois trop de gens qui meurent seuls. Osez faire face à la mort. Même si ce n’est pas la vôtre, cela vous rendra tellement plus forts, à la fois pour faire le deuil et pour votre vie d’après.

Géraldine Tarrin
Psychologue clinicienne
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