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Docteur
Jean-Martin Cohen Solal

Médecin généraliste
& Directeur Général de la Mutualité Française

Jean-Martin, pourquoi êtes-vous devenu médecin ?

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Je me suis toujours vu médecin. J’ai toujours vu mon père en situation de médecin cela me semblait donc naturel. Ce qui m’intéresse dans ce métier, c’est la rencontre : la rencontre avec des gens, avec des situations… Je suis animé par la question de ce que je peux apporter, comment soulager, comment dénouer des situations. Le métier apporte beaucoup dans la connaissance de l’autre, dans la réalité de l’autre. La personne malade est toujours dans le vrai face au médecin, sans jeu de rôle. Un rendez-vous avec un patient à pour objectif de rencontrer une personne et de la soigner. On ne peut pas bien soigner si on ne rentre pas un tant soit peu dans l’histoire de l’autre. C’est le goût de l’autre qui rend le métier passionnant. D’ailleurs, je continue à avoir une activité médicale car c’est très enrichissant. Je vois une quinzaine de malades par semaine. Je n’ai jamais conscience de travailler.

 

Quand vous avez un diagnostic difficile à annoncer, comment le vivez-vous ?

 

Ce n’est jamais anodin pour un médecin d'annoncer un diagnostic difficile. Il faut savoir le faire en laissant des ouvertures. L'un des rôles du médecin est de rependre l’angoisse du patient pour lui-même surtout si le diagnostic est dur. Il faut toujours montrer au malade la possibilité de gagner face à la maladie. Ne jamais envisager le pire : s’il y a 1% de chance de guérir, j'invite le malade à se positionner dans le 1% de guérison. Si on veut que le malade adhère au traitement, croire soi-même en l’issue favorable est la clé. Le jour où il n’y a plus d’issue, si on n'a pas su être en proximité avec le malade, on arrive à faire comprendre au malade et à sa famille qu’il n’y a plus de solution. Mais pour cela, il faut avoir créé une relation d’empathie. Et c’est notre responsabilité de médecin de créer cette relation de confiance et empathique. C’est la responsabilité du soignant de savoir expliquer avec empathie qui se distingue de la compassion. En effet, le médecin garde une certaine solidité, c’est à lui d’être suffisamment fort pour accompagner la famille en souffrance. Nous avons une responsabilité d’accompagnement dans cette épreuve. Si nous avons une émotion forte, il nous faut la garder, et ne pas pleurer avec la famille ou le malade pour pouvoir aider vraiment. L’essentiel est de trouver un juste milieu entre émotion et empathie, et que le patient et la famille sachent que vous êtes là pour les aider à surmonter, et leur donner des clefs. Cela ne peut se faire que si l’on a créé, en amont, cette relation de confiance.

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Certains médecins sont durs, froids, distants, difficiles à comprendre pour nous patient 

et famille ?

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On sait tous qu’en venant sur terre, on va mourir, mais dans le cas d’enfants ou de morts jeunes, c’est insupportable pour tout le monde mais la maladie est parfois plus forte. Il faut intégrer que c’est un échec et qu’aujourd’hui, on ne sait pas faire face à tout. On n’arrive pas à expliquer que malgré tout ce que l’on met en œuvre, la maladie est parfois encore plus forte. Tous les jours, on arrive à gagner sur des morts illégitimes mais il y a des limites. La recherche et la médecine repoussent ces limites chaque jour. «Si mon père était malade aujourd’hui de ce dont il est mort à 69 ans, il y a plusieurs décennies, on pourrait le soigner et il ne mourrait pas». L’espérance de vie croit tous les jours. La médecine met tout en œuvre pour que la vie vienne à son terme normal et ne soit pas raccourcie par des maladies qui l’abrègent plus tôt. Dans notre métier le décès ne doit pas être vécu comme un échec personnel du médecin. Il y a certaines pathologies que l’on ne sait pas encore soigner. Quand la maladie est plus forte que la prise en charge, c’est aussi insupportable pour le médecin que pour la famille. J’ai l’image de la digue face à la vague…

La digue maintient la vague pendant des années et puis un jour il y a une vague ou deux qui submergent la digue qui finit par céder…

 

Quelle est la base de la relation patient médecin alors  ?

 

Le rôle de médecin est de conseiller et de faire adhérer au traitement : mettre en confiance le malade afin qu’il adhère. Il se peut que cela ne fonctionne pas et il vaut mieux changer de médecin. Il est important qu’il y ait un "fit". J’invite toujours les malades à prendre un second avis. Il ne faut surtout pas hésiter. La médecine n’est pas une science exacte. Il faut regarder, tester, sentir la personne en face de nous. L‘adhésion du malade et de la famille du malade est fondamentale. D'ailleurs, aujourd’hui devenir le médecin traitant d’un malade qui vient me voir depuis peu est très motivant et valorisant pour moi car cela signifie que j’ai su créer une relation de confiance avec lui. Je le reçois comme médecin est aussi comme personne humaine. Mes inquiétudes de médecin pour un patient sont bien plus importantes que mes inquiétudes de chef d’entreprise. Ce lien est aussi ce que je cherche dans la relation avec les médecins que je vais consulter.

 

Quels conseils donneriez-vous à une personne qui vient d’apprendre qu’elle a un cancer ?

 

Avoir confiance… Je me suis souvent demandé comment je réagirai le jour où j’aurai une maladie mortelle. Avoir confiance… Si vous n’avez pas confiance, vous n’y arriverez pas. Ayez confiance :)

David Spiegel
Professeur en Psychiatrie
à l'université de médecine
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